La minute droit de Maître Raison : la résiliation anticipée du contrat de syndic

La résiliation anticipée du contrat de syndic est-elle un jeu dangereux pour le syndicat des copropriétaires ?
Certains syndicats de copropriétaires souhaitent se séparer de manière anticipée de leurs syndics en invoquant une liste de fautes « types » qui justifierait la résiliation du contrat. Pourtant, cela peut leur coûter cher dans l’hypothèse où ces fautes ne seraient pas caractérisées et pas constitutives d’une inexécution suffisamment grave des obligations contractuelles du syndic. En effet, dans l’hypothèse d’une révocation anticipée abusive, le syndic est bien fondé à conserver le solde des honoraires dû jusqu’à la fin de la période contractuellement prévue.
Ainsi, dans un arrêt récent, la Cour d’appel de Paris a débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande en restitution des honoraires du syndic au motif qu’il n’était pas démontré qu’il ait commis des fautes de nature à justifier la résiliation anticipée de son mandat [1]. Par un jugement du 2 novembre 2023, le Tribunal judiciaire de Versailles a débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande de restitution de la somme de 53.558 euros au titre des honoraires de syndic dus jusqu’à la fin initialement prévue du mandat, et a condamné le syndicat des copropriétaires à payer 4.000 euros au syndic en remboursement des frais de procédure engagés[2].
Ces décisions sont l’occasion de revenir sur les règles relatives au contrat de syndic et à sa résiliation anticipée.
1. Les modalités du contrat de syndic
L’article 18-I de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que :
• Le contrat de syndic doit respecter les prescriptions du contrat type établi par le décret du 17 mars 1967[3].
• Le contrat de syndic est conclu pour une durée déterminée et est approuvé par une décision expresse de l’assemblée générale, aux conditions de majorité de l’article 25 c) de la loi du 10 juillet 1965.
• La rémunération du syndic est fixée de manière forfaitaire.
Cependant, certaines prestations spécifiques qui ne relèvent pas de la gestion courante peuvent justifier le versement d’une rémunération complémentaire. Ces prestations sont fixées par l’annexe II du décret du 17 mars 1967 : réunions et visites complémentaires à celles prévues dans le forfait, gestion administrative et matérielle rendue nécessaire par la survenue d’un sinistre dans la copropriété, mais aussi des prestations complémentaires qui peuvent être entrainées par une succession de syndic. La liste des prestations spécifiques complémentaires ainsi que le montant de leur rémunération est précisée dans le contrat de syndic.
2. La fin du mandat de syndic
Le contrat de syndic étant un contrat à durée déterminée, le mandat peut s’éteindre par son simple non renouvellement ou par une résiliation anticipée.
• Le non renouvellement
Le non renouvellement obéit à un régime légal fixé par l’article 18 VII de la loi du 10 juillet 1965 :
- La question de la désignation d’un nouveau syndic doit être portée à l’ordre du jour d’une assemblée générale tenue dans les trois mois précédant le terme du contrat de syndic en cours ;
- L’assemblée générale ainsi convoquée désigne un nouveau syndic et fixe la date de prise d’effet du contrat, qui intervient au plus tôt un jour franc après la tenue de l’assemblée ;
- Le non renouvellement n’emporte aucune indemnisation de l’ancien syndic.
• La résiliation anticipée
Aux termes de l’article 18 VIII de la loi du 10 juillet 1965, « le contrat de syndic peut être résilié par une partie en cas d'inexécution suffisamment grave de l'autre partie ». Cela signifie donc qu’aussi bien le syndic que le syndicat des copropriétaires peuvent décider la résiliation du contrat de syndic avant le terme fixé. Le cas de figure le plus fréquent est la résiliation du contrat de syndic à l’initiative du syndicat des copropriétaires.
Qu’est-ce qu’une inexécution suffisamment grave ?
Il appartient au syndicat des copropriétaires de démontrer l’existence d’une faute du syndic de nature à justifier la révocation de son contrat[.1]
Le syndic a une obligation de moyen : cela signifie qu’« il doit réaliser sa mission dans le cadre des diligences normales d’un professionnel averti »[2]. Il appartient en conséquence aux tribunaux d’apprécier la gravité des manquements du syndic au regard des circonstances d’espèce.
L’inexécution contractuelle suffisamment grave a été retenue dans les hypothèses suivantes :
• Une erreur de gestion comptable du syndic ayant abouti au redressement fiscal de la copropriété et de son refus de convoquer l’assemblée générale en dépit d’une demande du président du conseil syndical[4] ;
• Le défaut d’organisation du vote du budget provisionnel ayant eu pour conséquence l’impossibilité d’appeler les appels de fonds provisionnels[5].
A l’inverse, la jurisprudence refuse de reconnaître le bienfondé de la révocation anticipée fondée sur les fautes de gestion suivantes :
• L'absence d'indication du lieu de la réunion dans la convocation ou la tenue tardive de l’assemblée générale, en l’absence de griefs découlant de ces manquements ;
• L'omission de convocation d’une nouvelle copropriétaire, le syndic n’ayant été informé du transfert de propriété que quelques jours après l’envoi des convocations ;
• L'omission de joindre le contrat de syndic à la convocation de l’assemblée générale ;[1]
Par ailleurs, la jurisprudence a pu considérer que les fautes de gestion reprochées au syndic devaient être appréciées au regard du contexte difficile dans lequel ce dernier avait repris la gestion de la copropriété, et n’étaient pas de nature à justifier la révocation anticipée de son mandat[6].
Notre conseil : il convient de répondre par écrit à toute lettre de résiliation anticipée listant les griefs reprochés au syndic par le syndicat des copropriétaires, en contestant point par point les éléments reprochés et en annexant les documents permettant de démontrer qu’il n’y pas eu de faute dans l’exécution du mandat.
Quelles sont les conséquences d’une révocation abusive ?
A défaut de démontrer l’existence d’une inexécution suffisamment grave de nature à justifier la révocation, le syndicat des copropriétaires pourra être condamné à indemniser le syndic du préjudice lié à la résiliation de son contrat avant son terme[7].
L’indemnité du syndic peut être constituée par :
• Le montant des honoraires forfaitaires pour la période entre la révocation et la fin de mandat prévue contractuellement[8] ;
• Des dommages et intérêts[9].
Il appartient au syndic qui souhaite solliciter l'allocation de dommages et intérêts de démontrer l’existence d’un préjudice distinct de celui de la perte de ses honoraires[9],comme par exemple la rupture dans des conditions vexatoires[2].
Quelles sont les règles à respecter pour la résiliation anticipée ?
Lorsque le syndic est à l’initiative de la résiliation :
1. Il notifie sa demande de résiliation du contrat au président du conseil syndical ou à l’ensemble des copropriétaires en l’absence de conseil syndical. Les inexécutions reprochées doivent être précisées.
2. Dans un délai qui ne peut être inférieur à deux mois à compter de la notification, le syndic doit convoquer une assemblée générale et inscrire à l’ordre du jour la désignation d’un nouveau syndic.
3. La résiliation du contrat prend effet au plus tôt un jour franc après la tenue de l’assemblée générale
Lorsque le conseil syndical est à l’initiative de la résiliation :
1. Il notifie au syndic une demande d’inscription de la résiliation du contrat à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale. Cette demande doit être motivée et préciser les inexécutions reprochées au syndic.
2. Le syndic a l’obligation de convoquer une assemblée générale dans un délai de deux mois à compter de la notification de la demande par le conseil syndical. Le délai court à compter de la première présentation du courrier recommandé. A défaut pour le syndic de respecter cette obligation, le président du conseil syndical est habilité à convoquer lui-même l’assemblée générale.
[1] CA PARIS, Pôle 4 chambre 2, 7 février 2024, RG n°20/09413
[2]Tribunal judiciaire de Versailles, 3ème chambre, 2 novembre 2023, n°21/04322
[3] Décret du 17 mars 1967, Annexe 2
[4] CA Versailles, 26 septembre 2005
[5] TGI Paris, 8e ch. 1re sect., 8 nov. 2016, n° 15/01635
[6] CA Paris 30 avril 2014, 12/16703
[7] Cour de cassation, 3ème civ. 3 avril 2002, n°01-00.490 ;
[8] Cass. Civ. 3ème 8 mars 2018, 17-12.506
[9] Tribunal judiciaire de Paris, 14 juin 2022, n°18/13089
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