Interdiction de location des passoires thermiques : quels enjeux pour les copropriétés ?
Depuis le 1er janvier 2025, il est interdit de louer des logements dont la consommation d’énergie est supérieure à 420 kWh d’énergie par mètre carré de surface habitable et par an. Ces logements classés « G » représenteraient environ 5,7 % du parc immobilier en France, soit environ 1,5 million de logements.
Cette mesure a été mise en place par la loi dite « Climat et résilience » du 22 août 2021[1], pour lutter contre le dérèglement climatique en renforçant les exigences énergétiques en matière d’immobilier.
De nombreux copropriétaires se trouvent donc dans l’impossibilité de louer leur bien immobilier. Une interrogation persiste sur l’application de la loi dans le temps, notamment en ce qui concerne les contrats de location en cours au 1er janvier 2025. En effet, la nouvelle rédaction de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 semble établir de manière immédiate le caractère indécent des logements classés « G ». A ce jour, seule une publication du Ministère de la transition énergétique indique que, pour les contrats de bail en cours au 1er janvier 2025, l’interdiction de location prendra effet au moment du renouvellement du bail ou de sa reconduction tacite[2]. Une proposition de loi permettant d’entériner cette position a été enregistrée à l’Assemblée nationale le 7 novembre 2024[3].
Pour rappel, l’interdiction de location sera étendue à la classe F au 1er janvier 2028 et à la classe E au 1er janvier 2034[4].
1. Les conséquences pour les copropriétaires bailleurs de l’inaction de la copropriété
L’inaction de la copropriété peut empêcher les copropriétaires bailleurs de respecter leurs obligations en matière de décence climatique.
En copropriété, la prise de décision n’appartient pas au seul propriétaire d’un bien, mais à l’assemblée des copropriétaires de l’immeuble. Le copropriétaire qui aurait réalisé tous les travaux privatifs disponibles pourrait se heurter au refus de l’assemblée générale d’effectuer les travaux nécessaires sur les parties communes et se trouverait ainsi dans l’impossibilité d’améliorer la performance énergétique de son bien. Ces copropriétaires pourront se retrouver dans l’impossibilité de louer leur logement et engager la responsabilité du syndicat des copropriétaires, voire du syndic, pour obtenir l’indemnisation de leur préjudice.
2. Les mesures mises en place par le législateur afin de favoriser les travaux de rénovation énergétique en copropriété
Un régime juridique a été mis en place par le législateur afin de favoriser la prise de décision et la réalisation de travaux de rénovation énergétique dans les immeubles en copropriété :
• La réalisation d’un diagnostic de performance énergétique (DPE) est désormais obligatoire pour « tous bâtiments d’habitation dont le permis de construire a été déposé avant le 1er janvier 2013 ». Ce diagnostic doit être mis à jour tous les 10 ans, à moins qu’un DPE réalisé après le 1er juillet 2023 permette de démontrer que le bâtiment appartient à la classe d’énergie A, B ou C [5].
• Un projet de plan pluriannuel de travaux doit être réalisé dans les 15 ans de la réception de l’immeuble[6]. Ce projet de plan fixe la liste des travaux « nécessaires […], à la réalisation d’économies d’énergies et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre » de l’immeuble, ainsi que les modalités financières de réalisation de ces derniers par la copropriété[6].
Notre conseil : A ce jour, la loi ne prévoit aucune sanction pour les syndicats de copropriétaires qui ne respecteraient pas leurs obligations en matière de diagnostic ou de projet de plan pluriannuel de travaux. Cependant, en cas de refus de l’assemblée générale de mettre en œuvre les mesures nécessaires dans la copropriété, il appartient au syndic d’alerter les copropriétaires sur le risque de voir les copropriétaires bailleurs engager la responsabilité du syndicat des copropriétaires. En effet, ce dernier pourrait se voir imputer le préjudice subi du fait de l’impossibilité de louer, de l’augmentation du coût de chauffage des logements ou encore de la dévalorisation de la valeur vénale de leur bien.
• La loi du 10 juillet 1965 offre à tout copropriétaire la possibilité de solliciter l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée générale du vote de toute résolution[7], y compris des décisions relatives à la réalisation de travaux d’économies d’énergie, quand bien même ces derniers concerneraient des parties communes.
Notre conseil : Le syndic doit avertir le syndicat des copropriétaires des risques de contentieux auxquels l’exposerait un refus injustifié de réaliser les travaux par l’assemblée générale. Les copropriétaires pourraient engager une action en nullité contre les décisions d’assemblée générale abusives, solliciter l’autorisation judiciaire de réaliser les travaux ainsi que l’indemnisation du préjudice lié à l’absence de réalisation des travaux de rénovation énergétique nécessaires.
• Le législateur a assoupli les conditions de vote des travaux de rénovation énergétique, qui sont votés par selon les dispositions de l’article 25 f) de la loi du 10 juillet 1965, soit la majorité des voix de tous les copropriétaires. Depuis le 9 avril 2024, le syndicat peut bénéficier d’une passerelle vers un nouveau vote à des conditions de majorité moins exigeantes. Les travaux pourront alors être soumis à la majorité de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965, même si le projet n’a pas recueilli au moins un tiers des voix de tous les copropriétaires. Le syndicat des copropriétaires peut bénéficier de cette passerelle sous réserve qu’une nouvelle assemblée générale soit convoquée dans un délai de trois mois, et que le vote porte sur un projet identique à celui présenté initialement.
Notre conseil : Même si la loi n’impose pas de convoquer l’assemblée générale dans les trois mois, le syndic qui ne convoquerait pas cette assemblée générale pourrait voir sa responsabilité engagée par les copropriétaires du fait du préjudice de perte de chance d’obtenir l’autorisation des travaux. En conséquence, il est indispensable d’organiser systématiquement une assemblée générale extraordinaire dans les trois mois suivant le refus de vote des travaux de rénovation énergétique, quelles que soient les éventuelles pressions exercées sur le syndic pour limiter les frais.
L’exercice de son devoir de conseil par le syndic est donc déterminant pour éviter les contentieux liés au refus de l’assemblée générale de réaliser des travaux de rénovation énergétique et au préjudice subi par les copropriétaires bailleurs du fait de cette inaction.
3. Des évolutions législatives à prévoir dans les prochaines semaines
Devant l’importance des obligations mises à la charge des copropriétaires bailleurs et du risque de contentieux prévisible, une proposition de loi a été déposée le 7 novembre 2024[3] avec pour objectif de prévenir les litiges relatifs aux obligations de décence énergétique et à sécuriser leur application en copropriété.
Ainsi, cette proposition vise à exonérer les copropriétaires bailleurs de leur obligation de décence énergétique dans certaines situations :
• « Les travaux devant permettre l’atteinte du niveau de performance requis [se sont] révélés impossibles pour des raisons techniques attestées par un homme de l’art ou [ont] été refusés par une décision administrative ou par une décision du syndicat des copropriétaires [et] le propriétaire peut démontrer qu’il a réalisé tous les travaux de mise en conformité et d’amélioration énergétique possibles au regard de ces contraintes » ;
• « Le syndicat des copropriétaires a conclu un contrat de maîtrise d’œuvre reposant sur un audit énergétique et portant sur un projet de rénovation de nature à permettre le respect du niveau de performance exigible, sous réserve que la délibération de l’assemblée générale des copropriétaires ait fixé un délai raisonnable pour leur réalisation » ;
• « Le locataire a fait obstacle à l’exécution de travaux permettant le respect de l’obligation de logement décent ».
Le texte ainsi que ses amendements seront examinés en séance publique à l’Assemblée nationale les 28, 29 et 30 janvier 2025.
La suite au prochain épisode…
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